Automne / hiver
Londres, le 1er septembre 2005
« The marriage of reason and nightmare that has dominated the 20th century has given birth to an ever more ambiguous world. Across the communications landscape move the spectres of sinister technologies and the dreams that money can buy … We live inside an enormous novel …The fiction is already there. » J.G. Ballard, Crash, Introduction (1995).
Jean Bedez joue de disjonctions et de détourages. Sa technique s’inspire principalement du montage (entendu au sens large : isoler une image, la couper, l’assembler, créer une continuité temporelle ou spatiale…), un rapport de temps et de mouvement qui à la fin révèle une image malade, schizophrène.
Ses installations sont – génériquement – des situations. En tant que telles, elles sont autant d’amorces de narration à ré-activer. Le spectateur les habite, il y devient un sujet performatif, un acteur – sans doute à son corps défendant – dans une œuvre qui s’attache à déconstruire les récits. Jean Bedez puise d’ailleurs dans les cultures communes – et dominantes – du jeu, du pouvoir, du spectacle : il en analyse l’interraction et les similitudes. Le jeu devient manipulation, le spectacle est pouvoir et, au final, le pouvoir est un jeu. Il détourne ainsi une culture a priori innofensive, mais dont il révèle l’obscénité, une culture dont la mode et son spectacle sont les symboles criants.
Avec un projet in-situ comme Automne/Hiver 2005, il rapproche deux spectacles : l’institution d’art contemporain, le Palais de Tokyo, et le système de la mode. Il fond deux représentations différentes du désir, qu’il (re)politise. Le spectateur est inclus dans le dispositif. Il devient » un lecteur attentif de messages plutôt qu’un passif contemplateur d’esthétique ou consommateur de spectacle « , Hal Foster (Signes de subversion, 1985). Il est mis en situation et son statut devient performatif, il fait sens dans une installation qui pense les rapports de l’institution à son spectateur.
Les relations de l’institution au milieu de l’art et au pouvoir politique sont aussi froidement analysées, mais sans cynisme. C’est le champ d’informations déterminé par les liens de subordinations et de hierarchies qui informe et crée l’installation, en induisant le nombre et la position des chaises, par exemple. C’est le vernissage de l’exposition qui donne à l’œuvre sa légitimation. Bref, c’est la déconstruction de tout un système de codes propres à l’art qui fonde formellement et conceptuellement l’œuvre.
Ainsi, Jean Bedez propose un rapport ludique, jouissif dans un régime de signes partagés (matériaux, codes sociaux et culturels) qui fait œuvre. Cette installation a une place évidente – et urgente – dans le champs de l’art actuel parisien. Ne lui manque que l’institution qui aurait la force d’auto dérision de la présenter.
Vincent Honoré